mercredi 15 janvier 2020

Sur la dalle noire, effacée déjà, la trace des vies d'avant. Des noms, des dates. Sur quelques tombes, un portrait en noir et blanc parfois en couleur, qui tente de saisir l'arrêt du temps, de dire "il a été vivant". Des pots de chrysanthèmes abîmés par la pluie, une tombe recouverte de fleurs fraîches, des épouses de, des ci-gît, des repose en paix. Beaucoup de croix, quelques tombes laïques qui se distinguent. Des stèles modestes et des caveaux de marbre arrogants. Les vivants se fabriquent tout un monde.
J'avance au hasard des allées. Saisie soudain par la beauté d'un carré désaffecté, les pierres tombales moussues, qui semblent prendre corps avec la terre, devenir humus, des oiseaux nombreux, et toute une faune sûrement, invisible pour l'heure. Je me recueille ici, comme dans la lumière sobre d'une église romane.
Je repense au cimetière juif de Prague. À l'émotion qui avait été la nôtre avec Clara. 30 ans ont passé.
Je pense à la seule tombe sur laquelle je dépose des fleurs, des cailloux. La seule tombe auprès de laquelle je viens parler. Je raconte à ma mère tout ce qui bouge, ce qui n'est pas minéral et ce qui s'ancre aussi. La nuit dans mes rêves, elle est toujours vivante. Sa tombe est un galet.