jeudi 27 août 2020

 Je suis de la famille des oiseaux sauvages,

le vol en v. 

Malheur à qui s'extirpe.

Je suis de la famille des indociles, 

le nez contre la coquille. 

Ça lézarde, ça crie, ça gigote. 

Dehors, ça bouge. On essaie. 

Je suis de la famille des yeux ailleurs, 

les bras en croix au sommet de la montagne. 

Je me dresse face au vent. Yeux fermés. Puis ouverts. Le ciel à fleur de peau, comme une tente. 

J'habite sous cette toile tendue. 

Je suis de la famille de peu. De ceux qui disent peu. 

Je suis de l'autre côté de la barrière. 

Totem à moi-même.

L'irréductible.

Je suis de la famille des petits poucets. Je laisse des cailloux sur la route. Je creuse des ornières. Je reviens à la charge. Je pousse la charrue. Elle est pleine. À son passage, les mottes de terre jaillissent sur le côté, s'agitent. On ne voit plus bientôt que la poussière.

Je ne parle pas la langue des Indiens. Je fais des signaux de fumée, pourtant, de l'autre côté de la colline. Je ne parle à personne. Qu'aux étoiles.

Je suis de la famille de la Grande-Ourse. Des points lumineux. Pas la voûte céleste, l'univers sans fin. Qui vous happe. Et vous porte.

Un point parmi d'autres. Je vogue.

Je suis de la famille interstellaire. Je suis un cheval parmi les chariots de feu. Je me cabre le mors entre les dents. Je mords.

Je suis de la famille ruade. Je ne laisse personne toucher ma crinière.

Je suis de la famille à dos d'homme, à dos de mulet, je poursuis dans la montée.

Je suis de la famille qui grimpe. Qui renâcle. Je pourrais descendre à toute volée la colline, je pourrais soulever les pierres dans les ruisseaux, regarder ce qui s'échappe.

Je suis de la famille des roseaux. Un jonc qui balance. Je suis le totem des libellules. Je les laisse caresser ma peau.

Je regarde à la surface de l'eau ce qui s'illumine.

Je suis de la famille des alevins. Je plonge au fond de la piscine, je regarde les reflets du soleil sur le sol bleu, leurs entrelacs, leur danse fractale. Je me dissous. Je suis un rayon. Doucement je gîte.

Je suis de la famille des eaux douces. Je murmure. Je chuchote. Je laisse les mots se faire, se former, se poser sur les lèvres,  les clore.

Je suis de la famille des alluvions. Je sédimente. Le totem des eaux troubles. J'avance les mains en avant comme on joue à colin-maillard. Je ne sais pas qui je dois reconnaître.