samedi 1 avril 2023

Nous ventre

akènes dispersés au vent,

nous cherchons

de l'autre côté de l'asphalte

si surgit toujours la mer,

sa promesse et son balancement.

 

Nous ventre 

à chœur déployé 

nous cherchons.

Nos bouches chaudes

essaient de dire,

de tenir la juste note commune.


Nous ventre

à la radicalité de la faim

nous cherchons 

ce qui pourrait faire feu encore

et dans un même élan 

apaiser et nourrir.

 

Nous ventre 

abritons en nos seins

des volcans de lave brûlante.

Nous pourrions nous toucher.

A peine

pourrions-nous dire.

 

Nous ventre

aux promesses enfantées

malgré la sécheresse stérile du soir

nous palpitons encore.

Il se pourrait que la vie soit vivante.

 

Nous ventre

contre lequel nous pourrions nous blottir

faire refuge nôtre

comme un dôme de toile

rassurant à la nuit. 

Nous sommes si petits

sur la terre. Et de loin.

 


dimanche 4 décembre 2022


 

Cher arbre dénudé, isolé à flanc de coteau. 

Je sais comment dans le paysage qui défile derrière les vitres des voitures tu t'imposes,

point de repère mouvant et stable à la fois.

Tu dresses ta silhouette noire contre le ciel, seul et définitif dans le champ qui t'entoure.

Tu marques l'horizon comme un sceau, un tampon encreur.

A chaque fois tu m'émeus. Et je ne sais ce que cela vient toucher. 

La trace de ce qui perdure, l'intention qui t'a planté là, l'empreinte ancienne des paysans, mon grand-père, mon père, ce qui me relie, 

ce que tu dessines à hauteur de ciel et qui fait harmonie et force, qui, un instant, me réjouit, me concile à la beauté du monde

parce qu'un arbre, un seul, fait beauté

et que soudain le tableau se dessine et se retrouvera peut-être - persistance rétinienne - 

un peu plus loin, au détour de la route sur un autre coteau 

et sera ni tout à fait le même ni tout à fait un autre.


Il y en a un ainsi immensément dressé à la lumière tombante du jour. 

Immensément dressé et ouvert, la foudre peut-être a laissé son empreinte. 

Ses ramures font rhizomes, s'aventurent, s'échevèlent, s'époumonent. Quelque chose pourtant demeure fracturé. Et c'est avec cette fracture là ouverte que cet arbre arbore sans carapace sa magnificence. 

Il peut dire "je" cet arbre, il peut dire "je suis là", "j'en suis là,", " je poursuis ". Il écrit sa langue singulière, il dit son chemin au-delà de la terre de ses ancêtres. 

Il accueille dans ses branches déployées des nids, des recoins, des jardins même. On pourrait s'y perdre à l'été, on pourrait y entendre la mer les jours de tempête, on pourrait y accueillir en rouge ma vive fille, en jaune la chaleur de l'étreinte, en bleu mon fils lustrant ses ailes, on pourrait s'y recueillir en silence, on saurait qu'il est en train d'écrire aussi, qu'il écrit sans écrire, on saurait que les mots écrivent  à même l'écorce, à même le corps, avant même de s'écrire.

Cher arbre, je pourrais t'écrire une lettre que tu ne lirais pas. Je devine pourtant ta vie paysage, ta vie souterraine, ta vie ciel et terre mêlés, ta vie sève, écorce, bourgeons, feuilles, ta vie insectes et oiseaux, ta vie racines et rameaux, ta vie bois nus l'hiver et feuilles empressées aux  printemps, ta vie bogue, ta vie gland, ta vie pomme. Je devine la caresse du vent, sa griffure parfois, je sais comment les branches ploient ou bien cassent. Je ne t'écrirai pas alors. Je te parle, je te parle à mains nues, à murmure. Je ne t'écrirai pas; Alors je te chante, je te danse, mon âme à toi mêlée.

Et si tu fatigues, si tu ploies sous le poids des ans qui ont fait cernes en ton bois, sous le poids du gui qui a colonisé tes branches, des nids qui t'ont habité, des humains qui autour et au loin s'activent en se hâtant, des cloches qui tintent dans le soir, si tu te fatigues, alors j'essaierai de prendre soin de toi, d'entendre tes paroles, de bercer ton âge avançant comme j'entoure de mes bras les épaules de mon père. Tout se mêle tu le sais, tout se mêle et s’étreint, la terre, le ciel, les arbres et ceux que nous aimons sur la terre ou dessous.

dimanche 2 octobre 2022

Je t'aime comme un jardin.

Je t'aime comme on se courbe le soir sur la terre.

Je t'aime comme un arbre donne des fruits malgré le gel et comme un arbre se retient d'en donner.

Je t'aime comme le vent chante la mer dans les feuillages. Comme il fait semblant.

Je t'aime comme la framboise rouge qui résiste à septembre et se donne à pleine bouche. Goût de sucre sur les lèvres. Ca granule.

Je t'aime feuilles rouges et or, flamboyantes, déployées. Je t'aime liquidambar et ginko biloba. Je t'aime gora, papillonnante. Je te lilas des indes aussi. L'heure est au cuivre.

Je t'aime comme essaie de voler la jeune pipistrelle, comme elle frôle tes cheveux le soir venu.

Je t'aime comme un muret de pierre sèche sépare et relie, comme il se fond dans les herbes.

Je t'aime comme on oublie les noms des fleurs et des arbres, comme on les a appris souvent, qu'on les égare.

Je t'aime comme on regarde le ciel à travers les branchages, comme on lit, comme on rêve, comme on dort. Je t'aime comme on s'arrête.

Je t'aime comme on entoure de filets les fruits gorgés de sucre des vergers, je t'aime comme on échoue à les protéger des désirs des oiseaux.

Je t'aime comme un hérisson le soir venu  arpente le jardin avant de retourner se  cacher sous les bois morts, je t'aime comme il danse au printemps.

Je t'aime parfaitement. Comme cette table et ces chaises sous la frondaison du cerisier. Comme je les ai grattées de leur rouille et repeintes.

Je t’aime comme ce nichoir où rien ne vient nicher et dont je caresse le contour.