Ne pas avoir de cerveau
Le
zèbre est ado désormais. Il a passé une soirée de fête heureux, à
déambuler au milieu de tous, à rire, à jouer à la bagarre, à
attraper des gâteaux au vol et à les engouffrer. Il a même, par
fulgurance, chanté et dansé un peu.
Au
retour dans la voiture, il me raconte qu'en grande section de maternelle, il se souvient avoir répondu "jaune" à la question de la maîtresse "quelle est ta couleur préférée" mais ne pas avoir du tout compris ce que pouvait signifier "ta couleur préférée".
Il me demande ensuite à quel âge il a été diagnostiqué.
Il se demande comment pourrait être sa vie s'il n'était pas asperger, qui il serait s'il n'était pas asperger.
Il me demande ensuite à quel âge il a été diagnostiqué.
Il se demande comment pourrait être sa vie s'il n'était pas asperger, qui il serait s'il n'était pas asperger.
Il
veut savoir quels sont les gênes porteurs de l'autisme, quelles sont
les différences entre l'autisme de haut niveau et le syndrome
d'asperger, quels liens il y a entre déficience intellectuelle et
autisme.
Il
veut savoir si un jour Lutèce et Corentin pourront parler. Il
l'espère tellement.
Arrivés
à la maison, la mouette sort de la voiture. Le zèbre veut continuer
à parler encore. Nous restons là, éclairés par le néon vert de
la pharmacie.
Il
me dit : "ma vie était très difficile avant".
"Je
ne comprenais rien, j'avais l'impression de ne pas avoir de cerveau.
J'étais
extrêmement désespéré. C'était avant le SESSAD. Il faut
reconnaître que ça m'a aidé à comprendre les choses.
Aujourd'hui,
il me faut encore beaucoup de temps pour trouver les mots mais je
comprends mieux la vie.
Moi
je ne pourrai pas écrire un livre sur ma vie comme Josef Schovanec
car il y a trop de choses difficiles dont j'aurais honte ou qui sont
trop dures à raconter et parce que je préférerais remonter le temps
et changer des choses qui se sont passées".
Il
est minuit et demi. Je suis seule dans la voiture avec ce petit bout
de zèbre si courageux et si lucide. Je le trouve formidable.