samedi 1 juillet 2017

A qui j'ai donné corps
ce qu'il y a dedans
dans la boîte
la matriochka
la gigogne
de fille en fille
ce qui se déploie

Le rire
quand il s'arrêtait
et les bras de nos mères
pour nous retenir

Ce qu'on cachait sous nos jupons
dans nos ventres
sous l'entreventre
ce qui était sorti
ce qui s'expulsait
les caillots de sang

Au milieu la petite fille joyeuse
avec ses cerises rouges croquantes
en boucles d'oreille.
Ses cheveux de miel sentaient la  cire,
l'été.
La toile cirée était collante
et l'on repoussait les guêpes
d'un geste vif de la main.
L'odeur de vinaigre viendrait consoler la piqure.

On remettait dans la boîte,
on rangeait
on gardait bien plié le cordon ombilical,
on le lavait, on le faisait briller,
il resservirait
il tissait une échelle de corde
sur laquelle s'appuyer.

On regardait par dessus les murs.
On cherchait une grand-mère
et son cageot de pommes,
sa douceur
On savait une grand mère
et son étole de vison,
le pain grillé à quatre heures.
Entre les deux, on dessinait,
on cherchait dans la cave.
On empruntait les chaussures
trop grandes
on sortait avec
on était la reine du flamenco ce soir.
On était fière.

Tu seras une fille ma fille.

Elle riait
de l'autre côté de la boîte.
On était sur l'écran du cinémascope,
on suivait le doigt de son père montrant la caméra,
on s'appuyait sur lui.
Sur une autre photo,
ma mère regardait par delà l'image.
Elle était souriante.
Elle avait 40 ans.
Elle revenait.