samedi 6 avril 2019

On écrit de cette langue là,
on  lutte contre la dévoration du monde,
on recoud, on tisse à même le ciel la toile,
on sait de nos mots, à bouche fermée, chantante,
mains implorantes, berceuses,
on sait dire
la peau de l'autre,
la nudité.
On fait comme on peut, on est à poil. Sur la crête, l'épine dorsale en feu. On pourrait s'arrêter. On retient les mots qui divergent. On feu d'artifice, on lampionne, on étoile stellaire, on rit en chemin. On en a un stock, un stock de mots. Ils sauront tout dire, dévoiler, confondre. Ils seront la terre, le repos. Nous n'aurons qu'un pays un seul. La langue.
La langue argile et eau. À même le corps. La langue qui pourra dire, qui étreindra, qui s'appuiera contre l'épaule amie.
Qui charriera aussi des pierres aiguisées et des marais à vif, les champs noirs de cendres, l'arbre nu. La langue qui par elle-même, par son chant consolera. Elle dira qui nous sommes. Elle parlera un chant choral et doux, elle sera la main de nos mères, elle dira la beauté et l'ardeur. Ma langue sera lèvres rouges, pulsations. Elle sera au creux des ventres, le désir et la jouissance mêlées.