samedi 6 juin 2020


Mesdames, messieurs, mademoiselle
Ceci n’est pas un autoportrait. Ni en faux, ni en vrai, Rien à contre-jour.
Mais il faut faire les présentations parait-il , se donner à voir, à comprendre, s’explorer, s’exposer.
Que retiendrons nous de tout ça, je suis une fille qui chasse les moucherons en même temps qu’elle écrit, qui échoue.
Je ne suis pas écrivain. Pas du cercle.
Je ne sais pas très bien comment on dit dans l’ordre les choses.

Entre langue, entre les mots et le ciel, j’écris à l’envers. Tête en bas. J’entends les bruits de la rue. Je les répète. Je les dis. Je suis les mots de la rue tout autant qu’à mon tour.
Je suis l’interstice entre les mots, entre leurs mots, ce qui se glisse, ce qui se dérobe.
J’essaie en vain de tenir le jour.
Je suis aux contours.
Tu es. Un arbre. Nous sommes autres. Muets.
C’est une vérité qui dénude.

Au début j’avais tout fait dans l’ordre. Petite fille brune dans un immeuble aux fenêtres de bois vernies, entre un étang et une ligne de chemin de fer. Parfois sur les cailloux, on se faisait mal. Chute.
Je me demande si je suis là.

Je suis. Tu es. Parfois, écorce, parfois branche.
Je suis un renard jaune, une césure contre ma tempe, un autre jour, tout à la fois.
Au début, j’étais un cheval, une danseuse. Je l’avais dit. Déjà. Les mots comme ça. On essaie. On les porte. On les sort dans l’arène. On ne sait ce qui est entendu. Pourquoi les oiseaux s’envolent.

Je suis une écrivante au bord du vide. Les mots ne parlent à personne. Aucune ligne. A peine si je continuerai. Ici, ailleurs, autrement, il y a encore des jours à incarner pourtant, à gratter à l’encre sèche, à frotter aux écorces.
Envie d’une réponse à lèvres ouvertes.

J’avais 12 ans le 10 mai 1981. J’empêchais ma mère de revenir à l’ombre de l’enfant mort. Ceci n’est pas un autoportrait.
Je porte contre moi une épée.
Je suis ma fille carmin. Je suis la louve aux aguets, je suis sur la crête la nuit. Il y a longtemps que des chacals aux yeux jaunes veillent.
Je suis une lionne, un renard, je me déploie. Jamais je ne dévoile ma ménagerie. Aucun claquement de fouet sur le sol.
Ceci n’est pas un autoportrait. Je vis sans écrire. Sans chercher à le faire.
Je suis le plus souvent des brassées de gens contre ma poitrine.
Ici dans la forêt où tu te tiens, il y a encore des clairières.
Je vous dirai de mes mots la lumière. Je tenterai. Ceci n’est pas un autoportrait.
Ce n’est pas mon genre.